Zéro artificialisation nette : les 10 solutions de Build Europe

Zéro Artificialisation Nette
Zéro artificialisation nette : les 10 solutions de Build Europe

Build Europe est une organisation qui regroupe les fédérations nationales des constructeurs, des promoteurs et des aménageurs des Etats membres de l’Union Européenne. L’organisation représente plus de 30 000 promoteurs, aménageurs et constructeurs de logements affiliés aux fédérations des 14 Etats européens.

L’organisation a récemment publié ses 10 solutions au problème de zéro artificialisation nette, retrouvez l’étude complète directement sur leur site internet.

Constat général

L’artificialisation dans l’Union Européenne

Définition : L’artificialisation est définie par l‘Agence Européenne pour l’Environnement comme « la couverture d’espaces par des constructions et des infrastructures urbaines ainsi que par des espaces verts urbains et des installations sportives et de loisirs ». L’AEE précise que la mesure de l’évolution de l’artificialisation inclut des espaces non couverts comme les espaces verts dans les villes. Ainsi, le tissu urbain fragmenté est pris dans son ensemble.

La Commission Européenne laisse apparaître 3 objectifs : limiter, atténuer et compenser.

Constat : D’après le Réseau Européen d’Observation de l’Aménagement du Territoire (ESPON), environ 0.6% de l’espace géographique européen a changé d’usage entre 2000 et 2018.

Moins de la moitié de cette surface concernait la conversion vers un usage urbain tandis que la majorité était au détriment des terres agricoles.

Ce premier constat permet de confirmer le fait que le besoin en logements n’est pas responsable de l’artificialisation des surfaces naturelles. Les forêts françaises, par exemple, s’étendent plus vite que l’urbanisation, à cause notamment de l’abandon des métiers agricoles lié à la baisse d’intérêt pour cette activité. En Europe, on observe une croissance de 613 millions de mètres cubes de forêt chaque année.

Les unités industrielles et commerciales sont donc responsables, d’une grande partie, de l’occupation des sols.

Des différences régionales : D’après le même rapport, « l’urbanisation ne s’est pas produite de la même manière dans tous les pays et à toutes les périodes. Beaucoup moins de terres ont été converties à un nouvel usage dans les années qui ont suivi la crise financière et économique, notamment en Espagne et en Irlande »

Constat du foncier et du logement

Etat des lieux du logement

Moins de 3% du terrain dans l’Union Européenne est utilisé à des fins résidentielles

En 2015, « près de 75% des terres étaient utilisées pour l’agriculture et la sylviculture, seulement 2.9% étaient utilisées pour le logement résidentiel ».

Le rapport Housing in Europe démontre également que cette moyenne de 2.9% masque des différences entre les territoires de l’Union Européenne. En effet, la plus grande proportion de terres utilisées pour le logement résidentiel se trouve dans la région de Bruxelle-Capitale (55%) et dans d’autres grandes villes telles que Hambourg (29%), Vienne…

Les permis pour le résidentiel ont chuté entre 2010 et 2019

D’après le même rapport, entre 2010 et 2019, les permis pour le résidentiel ont chuté de 3% à l’échelle de l’UE. Les plus fortes baisses ont été observées en Grèce (-69%), en Italie (-54%), à Chypre (-33%) et en Slovénie (-32%).

L’augmentation des coûts de construction de 15%

Le rapport indique également une augmentation des coûts de construction entre 2010 et 2019, en particulier depuis 2016. Sur l’ensemble de la période, les coûts ont augmenté de 15%, les plus fortes hausses ont été observées en Hongrie (+47%), en Roumanie (+46%), en Lettonie et en Lituanie (+36%).

Les prix des logements et des loyers en forte hausse

Housing in Europe et Eurostat font également le constat d’une augmentation de 34% des prix des maisons depuis 2010 (+19% enregistré entre 2010 et 2019) et de très fortes hausses en Estonie (+96%) ou encore en Hongrie (+82%).

A également été observé : l’augmentation constante des loyers entre 2010 et 2019 : +13% sur l’ensemble de la période.

La Banque Centrale Européenne (BCE) a récemment alerté sur les risques liés à la hausse du marché immobilier, où les prix sont à leur croissance la plus élevée depuis 16 ans.

Rechercher un équilibre

Augmentation de la pénurie de logements abordables

La réduction de l’offre de terrains aménageables et constructibles va entraîner l’augmentation du prix des terrains. De plus, la reconquête des friches et des zones commerciales entrainera des coûts d’aménagement additionnels liés à la dépollution des sols, à la démolition ou aux indemnités habituellement sollicitées par les exploitants en zone commerciale.

La reconstruction en milieu urbain est plus onéreuse et en ajoutant à cela les réglementations à venir (énergie, émissions carbone, gestion des déchets, économie circulaire) les coûts de construction devraient exploser.

Autre point, les taxes. Ces dernières devraient augmenter pour permettre aux collectivités le financement des équipements et aménagement publics indispensables à la prévention de l’usage automobile.

De ce fait, toutes les composantes du prix de l’immobilier comme, le terrain, les coûts de construction et les taxes devraient augmenter très fortement et cela en total désaccord avec les revenus des ménages.

Le logement neuf deviendra de plus en plus inabordable. Concernant les logements existants que certains présentent comme la solution, il faut rappeler que ces derniers ne sont pas adaptés aux conditions de vie actuelles (accessibilité, isolation phonique des planchers, cloisonnement, réseaux…) et qu’il faudra donc détruire pour reconstruire. Leur rénovation ou leur réhabilitation sera plus onéreuse qu’une construction neuve.

Ainsi, dans un contexte de zéro artificialisation nette et de Pacte Vert, la question à se poser n’est plus « Comment stopper la hausse des prix de l’immobilier » mais « Comment maîtriser cette hausse ? »

Le creusement des inégalités

Le zéro artificialisation nette risque d’agrandir l’écart entre :

  • Les familles : Les plus aisées pourront financer un logement, voire une maison qui deviendra un luxe tandis que les plus modestes seront contraints de vivre dans des espaces de plus grande densité.
  • Entre les métropoles, les villes moyennes et les villages : Les grandes villes, déjà très artificialisées n’auront aucun sacrifice à faire puisqu’elles disposent déjà d’importantes réserves et de grands espaces commerciaux dans leur périphérie ou de friches urbaines importantes. Il est estimé que les friches recensées en Ile-de-France représentent l’équivalent de 40% de la surface de Paris. Cela sera cependant plus compliqué pour les autres territoires qui risquent de voir leur stratégie de développement territoriale empêchée : difficulté d’implantation pour les entreprises, les infrastructures ou services. Il existe donc un risque pour la cohésion sociale et territoriale qu’il faut prendre en compte.

Une rupture entre orientations politiques et attentes citoyennes

L‘étalement urbain s’est d’abord développé pour répondre aux nouveaux modes de vie des citoyens de vivre à proximité des villes pour bénéficier des emplois et équipements publics, avec un souhait de s’offrir (et pour moins cher) plus d’espace et une meilleure qualité de vie. Un phénomène que le COVID-19 n’a fait qu’amplifier.

A l’inverse, le politique envisage la restriction des sols et la préservation de tout ce qui se trouve à l’extérieur de la zone urbanisée.

Propositions pour une gestion économe du territoire

Aujourd’hui, et pour être cohérent avec la volonté politique et les nouvelles données climatiques et environnementales, Build Europe supporte l’idée d’une politique de frugalité foncière tant qu’elle n’est pas trop lourde à porter pour les citoyens notamment au niveau du logement.

« Une politique rationnelle et équilibrée nécessite de territorialiser (s’organiser au niveau des territoires), de repenser en profondeur les politiques foncières, constructives et fiscales pour une gestion économe du territoire. »

Solution 1 – Une densité accrue

L’enjeu de la densité est primordial lorsque l’on parle d’une utilisation économe du terrain. Le ZAN définit ce qui n’est plus à faire : l’étalement urbain, mais il ne dit rien sur ce que l’on doit faire : la densité.

Cela revient à repenser la façon dont les villes sont structurées. Toutes les solutions permettant d’accroître la densité doivent être étudiées. On doit, par exemple, favoriser la construction d’étages supplémentaires dans les bâtiments collectifs, mais également revisiter le modèle des maisons de ville.

Solution 2 – Créer un droit à l’artificialisation et des bourses d’échange ou de compensation foncière

Le problème de l’artificialisation n’est pas le même pour tous les territoires. Il faudrait donc estimer un droit d’artificialisation en fonction des prévisions démographiques et du potentiel constructif sans artificialisation du territoire, d’où la proposition de création d’un droit à l’artificialisation et d’une bourse d’échange ou de compensation foncière.

Cette démarche nécessite la définition de ratios de compensation.

Solution 3 – Planification urbaine

Planifier implique de favoriser la construction sur les zones déjà artificialisées. La planification doit être mise à l’épreuve de la réversibilité. Jusqu’alors, des « zones » étaient définies pour le commerce, l’habitat, l’activité industrielle etc… Aujourd’hui c’est un principe de mixité fonctionnelle comme pour le bâti qui doit être développé en matière d’aménagement.

Cette planification urbaine devra, après analyse et selon la situation locale, permettre le développement de certains secteurs peu artificialisés indispensables au développement de la ville tout en respectant l’esprit global de l’économie foncière.

Solution 4 – Protéger les sols avec le projet plutôt qu’interdire

L’objectif premier du ZAN est la protection des sols pour les 4 services qu’ils rendent : potentiel économique, régulation climatique, stockage carbone et hydrique et enfin un support de la biodiversité.

Les opérations d’urbanisme devront donc répondre au besoin en logements et à la sauvegarde des sols. De cette manière, dès que le projet comporte un certain pourcentage de pleine terre, on peut imaginer une ferme urbaine (aquaponie ou hydroponie) qui produirait autant qu’un champs de monoculture, complétée par des plantations d’arbres ou de haies, des jardins autour des résidences végétalisées, un ensemble apportant résilience climatique, biodiversité, stockage hydrique et carbone renforcé.

Le ZAN ne doit pas seulement être engagé aux seules réglementations d’urbanisme, il doit aussi favoriser les fonctions des sols pouvant être sauvegardées.

Les zones riches en population auront inévitablement recours à l’artificialisation (déchetteries, équipements de traitement des eaux usées, dépôts de bus…) Le ZAN paraît impossible à satisfaire tandis que le principe d’optimisation foncière semble plus réaliste à développer.

Solution 5 – Augmenter la réversibilité du bâti

La réversibilité concerne la transformation de locaux tertiaires en logements et vice versa. La conception de futurs bâtiments doit impérativement intégrer le principe de modularité structurelle afin de préserver les besoins et usages futurs. La construction modulaire à l’avantage d’être plus rapide à mettre en œuvre et permet une grande efficacité énergétique.

Solution 6 – La construction sur pilotis

Afin de réduire l’utilisation des sols et en particulier l’imperméabilisation des sols définie comme « la couverture constante d’une zone de terre et de son sol avec des matériaux imperméables, tels que le ciment ou l’asphalte », nous pourrions favoriser la construction sur pilotis. Cette disposition ne serait pas plus coûteuse et pourrait améliorer la résilience des construction à certains phénomènes naturels (inondations) et pourrait atténuer l’artificialisation des sols.

Solution 7 – Développer des aides à la reconquêtes des friches urbaines

La réduction de l’artificialisation passe par la création de fonds spécifiques destinés à supporter les opérations de reconversion des friches ou des dispositions fiscales adaptées comme la réduction de la TVA dans certains périmètres.

Solution 8 – Primes à la démolition ou à la transformation des bureaux en logements (locaux tertiaires)

Un solution en accord avec l’objectif du Pacte Vert serait d’appliquer une TVA réduite sur les opérations de déconstruction et de rénovation, voire de reconstruction en centre urbain en vue d’un usage résidentiel.

Solution 9 – Soutenir la transition vers la construction circulaire

Les opérations ont intégré le concept d’économie circulaire et ont déjà pris des dispositions sur le terrain : conception, recyclage, approvisionnement…

Un passage global à l’économie circulaire engendrera une hausse des prix des logements (nouveaux matériaux, coûts d’assurance élevés…) ainsi que sur les délais de livraison. Il faut donc évaluer l’impact sur l’accessibilité aux logements et ce, à chaque étape de la transition ainsi que prévoir des financements suffisants pour l’ensemble de la filière au moins pendant le temps de cette révolution industrielle.

Solution 10 – Renforcer les investissements territoriaux intégrés

Les objectifs visés par l’exécutif européen vont demander beaucoup d’efforts en matière d’aménagement du territoire et de développement urbain. Ces travaux vont nécessiter de l’aide de la part des autorités publiques, mais il est déjà possible de s’appuyer sur certaines mesures. Le règlement UE n°1303/2013 mentionne que « lorsqu’une stratégie de développement urbain , une autre stratégie ou un pacte territorial nécessite une approche intégrée […] des actions peuvent être menées sous la forme d’un investissement territorial intégré ».

Build Europe encourage le renforcement des soutiens disponibles via ces investissements territoriaux afin d’assurer le caractère abordable du logement grâce à une approche territoriale.