Matériaux géo et biosourcés dans les logements : état des lieux et leviers d’actions en Normandie

matériaux géo sourcés

Préoccupation majeure et grandissante, la performance environnementale des logements et de l’habitat présentent de nombreux enjeux.

En effet, le secteur du bâtiment est le 2ème poste d’émissions de gaz à effet de serre en France, à ce jour.

A l’initiative – notamment – de l’Union pour l’habitat social et de la Fédération des promoteurs immobiliers de Normandie, La Cellule Économique Régionale de Construction (CERC) et l’Association Régionale pour la Promotion de l’Éco-construction (ARPE) de Normandie ont réalisé une étude faisant l’état des lieux de l’utilisation de ces matériaux, mettant en avant les leviers d’actions permettant une massification de leur utilisation et identifiant les opportunités de développement des filières locales et durables.

Contexte de l’étude

La réglementation environnementale (RE 2020) appliquée à la construction neuve, a pour ambition de répondre aux impératifs de durabilité requis par la transition écologique. Elle prend en compte : les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées tout au long du cycle de vie du bâtiment, de l’extraction des ressources à la déconstruction, sans oublier les phases de fabrication, de construction, d’usage et de maintenance.

Les matériaux géo et biosourcés présentent, de manière générale, une faible empreinte carbone ainsi que, pour certains, des propriétés isolantes. Ces matériaux sont en mesure de répondre à l’enjeu collectif d’amélioration de la performance environnementale des bâtiments et de la mise en œuvre de la RE 2020.

Cependant l’utilisation des matériaux géo et biosourcés reste encore à la marge dans le secteur de la construction aujourd’hui.

Objectif de l’étude

Les bailleurs sociaux, réunis au sein de l’Union de l’Habitat Social de Normandie, ainsi que les promoteurs immobiliers via la Fédération des Promoteurs Immobiliers de Normandie, ont exprimé leur intérêt pour les matériaux géo et biosourcés et souhaitent les inclure plus massivement dans leurs opérations de construction et de rénovation.

Pour réaliser une opération, tout un écosystème est mobilisé : L’Etat qui réglemente et aide au financement, la maîtrise d’ouvrage (les bailleurs sociaux mais aussi les promoteurs dans le cadre des opérations en vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), la maîtrise d’œuvre pour la conception et le suivi (les architectes, bureaux d’études et économistes), les assistants à maîtrise d’ouvrage (AMO), les entreprises qui réalisent les travaux, mais aussi tout un autre ensemble d’acteurs (bureaux de contrôle, les collectivités, les aménageurs, les
assureurs, les producteurs et transformateurs de matériaux…).

Aussi, le parti pris a été d’interroger un maximum d’acteurs au-delà de la maîtrise d’ouvrage pour dégager une vision neutre et objective de l’ensemble de la chaîne de valeur.

État des lieux

Malgré un cadre réglementaire et une appétence sociale pour ces matériaux, leur utilisation est très majoritairement limitée à la structure bois, au bardage bois et aux isolants. Ainsi, 69% des bailleurs sociaux et promoteurs immobiliers interrogés lors de l’enquête ont déjà intégré au moins une fois le bois en structure. Une large majorité de ces maitres d’ouvrages, qui n’ont pas encore utilisé de matériaux géo et biosourcés, comptent le faire à l’avenir.

La gamme des matériaux géo et biosourcés s’est considérablement étendue depuis une vingtaine d’années. Cela témoigne de la croissance continue du marché. Elle peut se subdiviser en 2 catégories, au moment de l’étude, seule la seconde catégorie est produite en Normandie :

  • Les matériaux « manufacturés » ou « industriels » : produits issus d’une transformation dans une unité de production industrielle, relevant généralement (exemple : panneaux isolants biosourcés)
  • Les matériaux « non manufacturés » ou intégrés à des systèmes constructifs non-industrialisés : matériaux bruts ou ayant subi peu de phases de transformation, ayant recours au savoir-faire de professionnel pour sa mise en œuvre au sein d’un système constructif (exemple : la botte de paille, la terre crue…)

Matériaux bio et géosourcés présents en Normandie : la pierre naturelle, la terre crue, le bois d’œuvre, la paille et le chanvre.

Quels freins et leviers au développements des matériaux géo et biosourcés ?

La collecte de données, les entretiens individuels, les enquêtes en ligne et les 3 focus groupes organisés ont permis de faire émerger un triptyque constats / enjeux / leviers pour la demande et pour l’offre. 5 enjeux ont émergés et ont été associés à des constats et des leviers :

Le positionnement des acteurs

Parmi les freins identifiés, nous retrouvons des éléments tels que :

  • Le manque d’échange entre acteurs
  • Le besoin de sécurité conduisant à privilégier les systèmes constructifs avec retours d’expériences et reproductibles
  • Le sous financement de la phase conception

Parmi les leviers, nous retrouvons :

  • Mettre en place un dispositif régional pour financer le surcoût des matériaux géo et biosourcés locaux au moins le temps que les filières se structurent
  • Limiter le coût du foncier public et privé pour permettre le développement de projets innovants et donc plus coûteux.
  • Sensibiliser, informer, former les élus

L’information et la connaissance

Parmi les freins identifiés :

  • Le manque d’informations sur les coûts
  • La méconnaissance des caractéristiques des matériaux et des techniques de mise en œuvre
  • La méconnaissance des professionnels identifiés pour chaque filière

Parmi les leviers :

Deux types d’actions ont émergé : une meilleure diffusion de l’information et un renforcement de la formation idéalement interacteurs et territorialisées

  • Développer la sensibilisation et la formation sur les coûts réels
  • Renforcer le volet matériaux géo et biosourcés dans les formations initiales
  • Développer la R&D avec de la veille en France mais aussi sur d’autres pays européens (en termes de modèles économiques et de conception)

Les réglementations

Parmi les freins identifiés :

  • L’application restrictive du cadre normatif aux matériaux géo et biosourcés, notamment par les bureaux de contrôle
  • La réglementation incendie
  • Le manque de données techniques et « performancielles » pour certains matériaux géo et biosourcés

Parmi les leviers :

Les participants à l’étude soulignent que le cadre réglementaire actuel n’est pas adapté aux filières locales de matériaux, qui demandent un soutien public fort pour produire les données réglementaires et performancielles nécessaires à leur utilisation par les bailleurs sociaux et promoteurs immobiliers.

  • Amener de l’agilité et de la souplesse dans la réglementation
  • Faire évoluer la normalisation des pratiques et des règles professionnelles

La sécurisation des opérations

Parmi les freins identifiés :

  • Les différences de perception des éventuels surcoûts selon les types d’acteurs
  • L’intégration de nouveaux surcoûts liés aux matériaux géo et biosourcés dans un contexte de difficulté pour équilibrer les opérations
  • La gestion des priorités et la cohérence entre d’un côté le budget et de l’autre performance et qualité d’usage

Parmi les leviers :

Les maîtres d’ouvrage s’engagent sur la durée. Pour cela, ils ont besoin de sécuriser leurs opérations en se basant sur une bonne connaissance fine des coûts de construction et d’identifier les points de blocage potentiels.

  • Activer de l’expertise en amont pour une estimation du coût du bâtiment avec des matériaux géo et biosourcés
  • Renforcer la phase conception (en termes de temps et de rémunération de la maîtrise d’œuvre)
  • Limiter l’utilisation des variantes en phase EXE

Le développement de l’offre

Parmi les freins identifiés :

  • Le manque d’entreprises structurées pour répondre aux appels d’offres des bailleurs sociaux en nombre et qualité
  • Les réseaux de production locale et de distribution insuffisants

Parmi les leviers :

  • Engager une démarche politique régionale en faveur des matériaux géo et biosourcés pour embarquer tous les acteurs, accompagnée d’une planification et d’une instance de gouvernance régionale
  • Faciliter l’intégration des matériaux géo et biosourcés dans les marchés du logement social avec des leviers financiers (avec par exemple des aides financières ou un bonus de constructibilité si utilisation de matériaux géo et biosourcés) ; Intégrer des incitations dans les PLH/PLU (droit à bâtir supplémentaire par ex.)

Ce qu’il faut retenir

Cette étude a montré, qu’en Normandie, la connaissance des matériaux géo et biosourcés par les bailleurs sociaux, promoteurs immobiliers et leurs partenaires est globalement faible, que ce soit sur les aspects techniques qu’économiques.

Le développement des matériaux géo et biosourcés est également contraint par le cadre réglementaire et par conséquent assurantiel. Si l’État est le premier acteur à pouvoir les infléchir, les organisations professionnelles, les maîtres d’ouvrage, les industriels peuvent aussi agir à travers des actions de lobbying, la production d’essais et de données techniques.

L’étude a mis au jour un certain nombre de leviers qui sont fortement liés entre eux. Le choix des leviers à actionner et le mode opératoire appartiennent nécessairement aux acteurs locaux, dont les partenaires de l’étude.

L’utilisation des matériaux géo et biosourcés est un enjeu fort et partagé tant au niveau des objectifs bas carbone que de l’origine des matières premières utilisées. Les connaître, les comprendre, les utiliser et les valoriser permettra de dynamiser cette filière régionale
Cela n’est pas l’affaire que des pouvoirs publics ou de la maîtrise d’ouvrage mais
passera par la mobilisation de l’ensemble des acteurs de l’acte de construire.