3ème trimestre 2023 : la crise du logement neuf pose durablement ses valises en Normandie.

Promotion Immobilière |

Au 3ème trimestre 2022, nous avions titré notre édito « Brusque retournement du marché de la promotion immobilière en Normandie ». Cela, après avoir observé un marché en difficulté sur le territoire national depuis des mois déjà mais qui n’avait pas encore impacté notre région aussi durement.


Force est de constater que ce n’était qu’un court moment de répit avant une entrée durable et profonde dans une crise inédite, conjuguant une crise de l’offre ET de la demande.

En découle un volume d’activité qui reflète tristement la situation ce trimestre encore : des ventes nettes en baisse de 46 % en un an (403 réservations), des mises en vente en baisse également de 28 % (445 lots) et une offre commerciale qui augmente mécaniquement de 10 % (3 409 logements disponibles à la vente).

Si les ventes s’amenuisent, les opérateurs font preuve d’anticipation en mettant en vente de nouveaux biens avec parcimonie, voire en retirant des programmes de la commercialisation, préférant concentrer leur attention sur les opérations en phase chantier voire de livraison.

Au-delà de la difficulté rencontrée par les promoteurs immobiliers et impactant les emplois de l’ensemble de la chaine « filière construction », nous ne pouvons que déplorer la conséquence directe de cette crise : le blocage de l’offre de logements que ce soit dans le parc locatif privé, social comme celui de l’accession à la propriété et in fine tout un parcours résidentiel à l’arrêt.

Si la CU Caen la mer conserve sa première place en volume avec 125 réservations nettes ce trimestre, ce résultat n’en demeure pas moins inquiétant puisqu’il représente -43 % d’activité en un an quand le 3T22 était le symbole du décrochage de l’activité.

La Métropole Rouen Normandie est sur la même pente dangereuse avec 99 réservations, soit -57% en un an. Fait marquant : des désistements en nombre (126 logements), corrélation de retraits d’opérations (110 logements) qui peinent à trouver leur équilibre financier et des acquéreurs qui font face à des difficultés d’obtention des prêts immobiliers.

Le Havre Seine Métropole, territoire qui s’est souvent illustré à contre-courant de ses voisines Caen et Rouen rejoint cette fois le mouvement avec 39 réservations nettes seulement, soit – 57% en un an.

Ce tableau métropolitain est la démonstration, à l’échelle de la production de logements neufs privés, de la crise du logement dans laquelle nous nous sommes installés et alimentée par plusieurs facteurs comme l’envolée des taux d’intérêts, l’augmentation des coûts de construction, le rabotage du dispositif Pinel et l’empilement incessant de nouvelles normes.

Les principaux marchés de l’Eure observés (Evreux, Vernon et Louviers) voient également leur activité se replier ce trimestre avec 7 réservations enregistrées, soit – 30 % en un an (1 à Louviers, 6 à Vernon et malheureusement aucune à Evreux).

Espérons que les modifications du zonage ABC, passant Evreux, Louviers et Val-de-Reuil en B1 (et ouvrant ainsi à des contreparties fiscales intéressantes pour les investisseurs, entre autre) permettront de redonner du souffle à ces secteurs.

Dans ce marasme, la Normandie peut néanmoins compter sur un atout majeur : l’attractivité de son littoral. Il représente 30 % des ventes nettes enregistrées ce trimestre quand les principales métropoles représentent – de 60 % (alors qu’elles constituaient historiquement la locomotive normande avec au moins 80 % de part de marché)

Ainsi, le secteur de la Côte Fleurie Côte de Grâce (qui vient de voir passer les communes de
Deauville, Trouville et Villers-sur-mer en zone A) enregistre 79 réservations. Un marché stable au regard des trimestres précédents et principalement orienté vers des acquéreurs de résidences principales (ou secondaires).

Il en est de même pour les principaux marchés de la Manche qui réalisent 37 réservations ce trimestre, continuité des trimestres passés et qui devraient se maintenir dans cette voie grâce au passage de Cherbourg-en-cotentin et Granville en zone B1. Une bonne nouvelle pour ces secteurs affichant un besoin en logements locatifs de qualité.

Les prix des logements à l’offre poursuivent leur tendance haussière et notamment sur les trois principaux marchés de Caen (+ 7%), Rouen (+ 6%) et Le Havre (+ 3%), nous observons cependant un écart avec les prix des ventes, souvent inférieurs : traduction d’offres commerciales engagées par les promoteurs immobiliers afin d’écouler le stock de logements disponibles et en livraison proche.

S’il est complexe de tirer des conclusions de l’activité actuelle, nous pouvons observer que la part des ventes à propriétaires occupants est relativement stable au fil des années (entre 200 et 300 réservations chaque trimestre). Probablement un marché boosté ces derniers temps par le littoral, axé sur ce segment de clientèle et renforcé par les nouvelles pratiques de type télétravail. C’est bel et bien la part des ventes à investisseurs qui a décroché et il faut remonter à l’année 2013 (année flop du nouveau dispositif d’investissement locatif dit Duflot) pour retrouver les niveaux de réservations observés actuellement. Les tensions actuelles du marché locatif risquent de s’aggraver suite au faible niveau de production de logements neufs à destination locative.

A ce stade, les acquéreurs encore présents sont essentiellement portés sur les biens haut de gamme (ne nécessitant pas ou peu de sollicitations d’un crédit bancaire) ainsi que les investisseurs pour des biens de petite taille (le T2 représente sur certains secteurs jusqu’à 50% des ventes !).

Sauf prises de décisions fortes notamment dans la loi de finances 2024 afin de libérer la production de logements neufs, nous sommes désormais entrés dans une crise du logement en Normandie, en France, en Europe et il faudra des mois pour inverser la tendance avec des conséquences majeures sur l’emploi dans la filière construction.

Guillaume Basile – Président