L’impact de la rareté du foncier et des coûts de construction sur la production de logements sociaux

En octobre 2021, La Banque des Territoires a publié une étude sur l’augmentation des coûts de construction des logements sociaux.

Depuis 2014, le prix de revient d’un logement social a augmenté de manière modérée, de 0,9 % par an, pour s’établir en moyenne à 156 000 € en septembre 2021.

Depuis plusieurs mois, une hausse des coûts de construction se dessine, liée à des difficultés
d’approvisionnement et à la hausse des prix des matières premières. Les difficultés d’accès au foncier, la nouvelle réglementation environnementale (RE2020) et l’objectif de zéro artificialisation nette des sols pourraient à plus long terme porter l’évolution des prix de revient des logements sociaux.

Un prix de revient en hausse modérée depuis 2017

Le prix de revient d’un logement social a connu une augmentation annuelle moyenne de 2 % entre 2017 et 2020 après une période de stabilité entre 2014 et 2017 (- 0,1 %). Ainsi, le prix de revient moyen d’un logement social était de 154 000 € en 2020.

Un prix au m² qui croît plus rapidement

Si l’on corrige le prix de revient par les surfaces des logements afin d’isoler l’effet de la taille
des logements, la progression est un peu plus marquée.

Le prix de revient au m² a ainsi connu une période de hausse modérée entre 2014 et 2017 (+ 1,1 % en moyenne annuelle), suivie d’une accélération entre 2017 et 2020 (+ 2,2 % en moyenne annuelle). Le prix au m² a donc progressé plus rapidement que le prix au logement, du fait d’une baisse de la surface moyenne sur la période, passant de 69,5 m² par logement en 2014 à 66,5 m² en 2020.

Si l’on s’intéresse au détail des modes de production des logements par les bailleurs sociaux, la baisse tendancielle de la surface moyenne est constatée aussi bien en maitrise
d’ouvrage directe (MOD) qu’en acquisition en VEFA.

Le foncier contribue à plus de moitié de cette augmentation

couts de construction logements sociaux

Pour les opérations en maîtrise d’ouvrage directe, le prix de revient au m² en 2020 était de
2 262 € décomposé entre les trois principaux postes de la façon suivante : 67 % du prix
représentait les travaux de construction, 21 % les coûts liés au foncier et 12 % les autres
charges.

Entre 2014 et 2020, le prix de revient a progressé de 1,5 % par an en moyenne pour ces opérations en MOD, mais avec des évolutions différentes pour chacun de ces postes.

Une dispersion géographique élevée du coût du foncier

L’analyse départementale, même si elle est limitée pour identifier certaines spécificités locales, permet d’identifier des faits stylisés qui sont exposés ci-après.

Les coûts de construction sont également hétérogènes entre les départements, le coefficient de variation s’établissant à 15 %. Dans le détail, le prix de revient exceptionnellement élevé dans la capitale est dû en particulier à la rareté du foncier, mais aussi à des coûts de travaux de construction très élevés. Cette situation particulière exceptée, le prix de revient est également très élevé dans les autres départements de la région Ile de France, dans les Alpes-Maritimes et dans les Hautes-Alpes.

coût du foncier

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces disparités :

  • La faible disponibilité foncière dans les zones tendues
  • Travaux de construction plus couteux dans les grandes métropoles ou zones difficiles d’accès (montagne par exemple)

Si l’on porte l’analyse du prix de revient selon le découpage du zonage ABC, il apparait que le prix de revient est bien plus élevé en zones tendues, où il atteint 3 400 € au m² en zone A bis en 2020, qu’en zone moins tendue (2 200 € en zone B1 et moins de 2 000 € en zone C).

coût du foncier

Une hausse des coûts de construction qui se dessine en 2021

Depuis le déploiement de la vaccination, la reprise de l’activité économique mondiale
est accompagnée d’une hausse des prix des matières premières et de difficultés d’approvisionnement.

Les périodes de forte reprise économique engendrent une demande accrue de produits
pétroliers. Ainsi, le cours du Brent avait connu une période de forte hausse en 2009-2010
avec un triplement du prix du baril, passant de 30 € fin 2008 à plus de 90 € fin 2011. En
juillet 2021, le baril de Brent s’échangeait à 63 € soit une hausse de 68 % en glissement
annuel.

Comme lors des crises et des phases de reprises précédentes, la tension sur les prix des matières premières devra donc être un facteur à surveiller.

Perspective d’évolution des prix de revient

Un accès au foncier déterminant et d’importantes évolutions réglementaires et législatives

Les difficultés d’accès au foncier, particulièrement en zones tendues, devraient continuer
à porter les prix de revient
, après avoir été la principale composante de leur augmentation
depuis 2014.

Cependant, le débat public s’anime pour trouver des solutions afin que les bailleurs sociaux puissent bénéficier de foncier abordable. Dans le cadre du protocole en faveur de la relance de la production de logements sociaux en 2021 et 2022, le gouvernement s’est engagé à libérer du foncier public avec la mobilisation des établissements publics foncier (EPF) et des établissements publics d’aménagement (EPA) afin de faire émerger des projets de logements sociaux en maitrise d’ouvrage directe.

Le potentiel foncier évalué correspondrait à 53 000 logements. La commission sur la relance durable de la construction de logements, missionnée par le Premier ministre et présidée par François Rebsamen, a rendu des propositions afin de pallier la raréfaction de la ressource foncière mais aussi pour diminuer les freins locaux à la construction.

Les mesures pourront être reprises dans le projet de loi de finances 2022 par voie d’amendements, le Premier ministre s’étant déjà prononcé en faveur de la compensation de
l’exonération de la taxe foncière sur la propriété bâtie (TFPB) pour le logement social lors du congrès Hlm10.


Un autre déterminant concerne l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation
environnementale pour la construction des bâtiments neufs (RE2020) en janvier 2022 pour
les logements. Celle-ci va imposer de nouvelles normes aux constructeurs et se matérialisera par une hausse des prix entre 5 et 8 % de 2024 à 2030, et 7,5 et 15 % à compter de 2030 selon l’évaluation préalable de la réglementation faite par le Gouvernement.

Enfin, la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 instaure une division par deux du rythme d’artificialisation des sols d’ici 2030 et un objectif de zéro artificialisation nette pour 2050. Ces mesures impacteront la disponibilité foncière à long terme. Il conviendra de suivre dans les prochains mois l’évolution de ces différents facteurs et leur influence sur les coûts de construction.